Le cosmos est-il spécialement conçu pour abriter l'espèce humaine ? Cette question surgit au cœur de la " théorie des cordes ", cette branche de la physique qui tente de décrire l'univers, des galaxies aux atomes, en une seule et unique équation. Tout est parti d'un constat fait, il y a de ce environ sept années, par des astronomes californiens : notre univers serait non seulement en expansion, mais en plus, celle-ci serait de plus en plus rapide. Pour l'expansion, on s'en était rendu compte depuis les années 1920, dont l'astronome américain Edwin Hubble avait expliqué que les galaxies se comportaient en quelque sorte comme des raisins d'un cake gonflant dans un four ; un cake dont deux raisins s'éloignent l'un de l'autre, non pas parce que ceux-ci bougent, mais parce que c'est la pâte dans laquelle ils sont pris tout les deux qui gonfle. Mais ce qui vient d'être révélé, c'est que l'univers se dilaterait de plus en plus vite.
I) Contrebalancer la gravitation pour empêcher l'effondrement
Qu'est ce qui pourrait donc bien faire gonfler la pâte cosmique à cette allure rapide ? La réponse est très simple : c'est une force dont on ne sait que très peu de choses, sauf que celle-ci agirait à l'inverse de la gravité : à notre bonne vieille attraction gravitationnelle de Mr Newton, celle qui fait tomber les pommes et permet à la Lune de tourne autour de nous, s'opposerait une nouvelle force dont son action serait de repousser les masses les unes des autres. L'idée n'est pas récente : dès 1917, tonton Albert Einstein avait imaginé son équivalent, qu'il baptisa " constante cosmologique " : comme il croyait dur comme fer que l'univers est statique, il lui fallait donc trouver de quoi contrebalancer la force de gravitation pour empêcher l'effondrement de l'univers sur lui-même, donc de ce fait, en préserver l'équilibre. Née dans l'imagination de notre grand Albert, la constante cosmologique fut jetée aux oubliettes aussitôt connues les observations de Hubble. Pour être plus précis, les physiciens de l'époque acceptèrent son existence, mais en lui donnant une valeur nulle. Et voila que de nos jours, on s'aperçoit que, si feu " la constante cosmologique " avait une existence réelle, elle agirait en gonflant l'espace. D'où la tentation de certains cosmologistes de la repêcher et de lui coller une valeur différente du zéro attribuer à l'époque.
C'est là que commence les ennuis pour les théoriciens des cordes : jusqu'ici, ils s'attentaient à ce que leurs équations aboutissent à une loi qui explique l'univers connu, le seul et l'unique. Mais voila qu'avec la constante cosmologique, surgissent énormément de solutions correspondant a autant d'univers possible, appelé multivers ou plurivers ; et foi des mathématiciens, aucun n'est meilleur qu'un autre. Dans certain d'entre eux, la constant cosmologique serait nulle. D'autres seraient dotés d'un neutron plus lourd, d'autres auraient des lois chimiques interdisant que des molécules hélicoïdales comme l'ADN se forment. Et pas un de ceux-là ne comporterait le moindre humain ni même le moindre insecte. La vie ne pourrait tout simplement pas s'y développer. Or aujourd'hui, la théorie des cordes ne peut prédire lesquels de ces univers est destiné à survivre…
II) La vision provinciale d'un petit univers unique
Un des père de la théorie des cordes, Léonard Susskind, utilise alors l'argument offert par " le principe anthropique faible " pour rajouter une nouvelle condition : " Puisque l'homme existe, il faut que l'univers que je décris soit adapté à l'apparition de l'homme. ", dit-il en substance. Résultat : parmi les univers prévus par la théorie, il ne retient que celui qui a permis le développement de la vie et de l'intelligence ( et aussi de la bêtise tant qu'à faire ). " Trop facile ! ", s'écrit Lee Smolin, son collègue. Il considère que le raisonnement scientifique ne doit pas tenir compte des arguments basés sur l'existence de l'homme. Pour lui, comme pour beaucoup de physiciens, notre vision de l'univers en ce début de XXI ème siècle subit un important changement. Il y a à peine dix années de cela, on pouvait raisonnablement croire qu notre brave univers, né il y a 10 ou 15 milliard d'années, est régi par des lois physiques permettant son développement dans le temps. Aujourd'hui, tout est possible : le nombre de dimensions de l'espace, le nombre d'univers, chacun ayant ses propres lois physiques et ses propres constantes de la nature.
Comme dit Smolin, " j'ignore quels changements étranges et inimaginables notre vision de l'univers subira d'ici une centaine d'années, mais je suis prêt à parier que philosophes et physiciens du XXII ème siècle regarderont avec nostalgie la vision un peu étriquée et très provinciale du petit univers unique que l'on imaginait au XX ème siècle ".
A.C.
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