Engager la première pour s’échapper de l’orbite et monter dans les rapports jusqu’à la vitesse de croisière : le principe de la boîte de vitesse pourrait être appliqué aux véhicules spatiaux.
Au Georgia Institute of Technology, Mitchell Walker et son équipe ont planché sur le moteur à plasma et ont eu l’idée d’une amélioration : en contrôler la poussée. Rappelons qu’un moteur à plasma - également appelé moteur ionique - est un nouveau procédé de propulsion pour engins spatiaux utilisant un gaz ionisé, c’est-à-dire un plasma, éjecté à grande vitesse à l’aide d’un champ électromagnétique. Il s’agit donc d’un moteur à réaction. Mais contrairement aux classiques réacteurs à énergie chimique, le moteur à plasma propulse vers l’arrière une masse très faible mais à très grande vitesse. Les accélérations obtenues sont faibles mais on peut les maintenir longtemps et donc aboutir à des vitesses élevées. La sonde lunaire Smart-1, en près de trois ans de bons et loyaux services (du 28 septembre 2003 au 3 septembre 2006), a brillamment démontré l’intérêt du principe, avec une consommation de 60 litres aux cent millions de kilomètres.
Econome mais pas nerveux
Le moteur à plasma est donc bien adapté pour obtenir avec une faible consommation une vitesse importante au bout d’un temps très long. Car il ne faut pas être pressé avec un moteur à plasma. Smart-1 a tout de même mis 13,5 mois pour atteindre la Lune… Sur un long voyage, vers Mars par exemple, le moteur à plasma se justifie pleinement. Mais il est des cas où il faut un peu plus de nervosité : lorsqu’il s’agit de changer l’orbite d’un satellite ou bien d’arracher une sonde de son orbite pour « l’injecter », selon le terme consacré, sur la trajectoire définitive. Jusqu’ici, ce sont des moteurs classiques à carburant et comburant qui s’occupent de ces manœuvres. Mitchell Walker pense que le moteur à plasma pourrait convenir dans ces circonstances pour peu qu’on puisse augmenter temporairement sa poussée.
C’est ce que son équipe affirme avoir réalisé sur des moteurs fournis par Pratt & Whitney. Le gaz utilisé est le xénon. Après la ionisation, les électrons arrachés aux atomes sont extraits par le champ magnétique tandis que les ions positifs sont accélérés dans le champ électrique. Pour éviter que le vaisseau se charge négativement en accumulant les électrons, ceux-ci sont injectés dans la tuyère dans le flux d’ions positifs. C’est l’étape de neutralisation, qui ne se passe pas sans mal, car les électrons ont une fâcheuse tendance à remonter le flux d'ions et à revenir dans le vaisseau spatial. Ce principe est celui, désormais classique, d’un moteur à plasma.
Du xénon a préalablement été ionisé. Ses électrons sont envoyés vers la cathode tandis que les noyaux (le plasma) sont injectés dans la tuyère. Le champ électrique accélère ces ions de la gauche vers la droite, créant ainsi une poussée (vers la gauche). Pour ne pas charger le vaisseau négativement, les électrons (en bleu) sont envoyés dans la tuyère. Ils se trouvent confinés par le champ magnétique et finissent par s’échapper vers l’espace dans le flot d’ions. Crédit : Georgia Tech.Procédé confidentiel
Les chercheurs du Georgia Institute of Technology sont parvenus à contrôler le champ magnétique et le champ électrique de sorte à faire varier la poussée. Elle serait alors maximale, au prix d’une consommation élevée, dans les cas où on a besoin d’une accélération importante et serait ensuite réduite pour minimiser la consommation. Comment procèdent-ils pour moduler la poussée ? Le font-ils en augmentant la vitesse ou le débit de gaz éjecté ou les deux ? L’équipe est trop discrète sur le procédé pour que l’on puisse le préciser. Selon l’article publié par l’institut de recherche, « ce moteur est presque prêt pour des applications militaires mais reste à plusieurs années d’une utilisation commerciale ». On attendra donc encore un peu…
Ces scientifiques ne sont cependant pas les seuls à travailler sur l’amélioration du moteur à plasma. De nombreuses recherches sont aujourd’hui conduites dans le monde entier. A l’Ecole Polytechnique de Palaiseau, des chercheurs ont présenté en 2006 le moyen de supprimer la neutralisation et, du même coup, d’augmenter le rendement. Les électrons arrachés aux atomes sont éjectés en même temps que les ions positifs. Ils participent donc à la poussée tandis que l’absence de système de neutralisation fiabilise le fonctionnement et allège le moteur.
La brave sonde Smart-1 aura donc à coup sûr des descendants, bien plus efficaces…