1°) Historique des Trous noirs
« Trou noir » est un terme inventé par le physicien américain John Wheeler en 1967, pour décrire une concentration de masse/énergie si compacte que même les photons ne peuvent se soustraire à sa force gravitationnelle. L'histoire des trous noirs (auparavant connus sous divers noms dont celui "d'astres occlus") commença toutefois bien plus tôt puisque l'existence d'étoiles invisibles a pour la première fois été imaginée en 1784 par le révérend anglais John Michell dans le cadre de la théorie newtonienne de la gravitation. Il fallut cependant attendre la théorie d’Einstein de la relativité générale pour que leur existence soit prise un peu plus au sérieux, et ce n'est que très récemment que l’on a pu être certains d'en avoir réellement observé.
Ainsi, quelques mois à peine après la publication de la théorie de la relativité générale par Einstein, Karl Schwarzschild trouva en 1916 une solution exacte des équations d'Einstein qui décrit le champ gravitationnel produit par un corps à symétrie sphérique dans le vide. Il établit également l’existence possible dans cette solution de ce qui sera nommé par la suite le rayon de Schwarzschild (Rs). Ce terme désigne, pour une masse donnée de la source du champ gravitationnel, le rayon minimal que doit avoir cette même source pour que la métrique reste régulière. Si la source a un rayon plus faible que son rayon de Schwarzschild, divers phénomènes physiques étranges semblent se produire lorsqu'une particule arrivant depuis l'infini atteint la sphère de rayon Rs : le temps semble se figer, etc. Le caractère physique de ces propriétés fut longtemps mis en doute par la plupart des physiciens, certains d'entre eux, Eddington en tête, allant jusqu'à nier l'existence d'objets astrophysiques aussi compacts et donc l'existence d'étoiles de rayon inférieur à leur rayon de Schwarzschild.
Il existait toutefois de bonnes raisons d'y croire, et un premier pas vers la démonstration de l'existence de tels objets fut franchit en 1939 par les physiciens américains Oppenheimer et Snyder, qui étudièrent l'effondrement d’une étoile en-deçà de la limite de Schwarzschild. Négligeant la rotation de l’étoile et l'influence de la pression, ils obtinrent des résultats étonnants : dans leur étude, une étoile semblait pouvoir s'effondrer sous la sphère de Schwarzschild en un temps fini, alors que la lumière rayonnée se décalait vers le rouge (sa longueur d’onde augmentait), et que la trajectoire des rayons lumineux était de plus en plus déviée, jusqu’à ce que, une fois atteinte la limite de Schwarzschild, nul photon ne puisse échapper à la force gravitationnelle; un trou noir avait été formé. Les approximations utilisées laissèrent cependant perplexes la plupart des physiciens sur la validité du résultat (Oppenheimer le premier), et il faudra attendre les années 60, et le début de l’observation astronomique à l’aide des rayons X, pour que la théorie des trous noirs soit plus approfondie, et que les premières preuves de leur existence soient apportées.
2°) Formation d’un trou noir stellaire
Les étoiles, à la fin de leur « vie », connaissent des destins très différents dont la nature dépend de la masse initiale de l'étoile. En effet, les réactions de fusion nucléaire qui ont lieu dans le noyau des étoiles produisent des éléments de plus en plus lourds, en commençant par l'hydrogène. Or, la nature du plus lourd des éléments formés dépend de la pression au centre de l'étoile, laquelle est reliée à la masse.
Lorsqu'une étoile brûle son hydrogène, on dit qu'elle est dans la séquence principale. Une fois tout l’hydrogène consommé, l’étoile commence à brûler l’hélium ; elle se transforme en géante rouge. La suite des événements dépend de la masse de l'étoile. Une étoile peu massive, comme le Soleil, ne peut pas aller très loin dans la fusion, et ne pouvant brûler le carbone formé par la fusion de l'hélium, son noyau se contracte pour devenir une naine blanche, sorte de cristal de carbone baigné d'électrons qui résiste à l'effondrement gravitationnel grâce à la pression de dégénérescence de ces derniers. Cependant, la pression du gaz dégénéré ne peut résister face à la gravitation que si la masse totale est plus faible qu'une certaine valeur limite. C'est pourquoi les naines blanches ont une masse inférieure à environ 1,5 masses solaires; c’est la limite de Chandrasekhar.
Toutefois, ce cas de figure ne se présente que pour les étoiles qui sont suffisamment massives pour pouvoir aller au-delà de la fusion de l'hélium. Ces dernières forment ainsi divers éléments jusqu'au Fer56, lequel étant le plus stable des éléments est inerte et s'accumule au centre des étoiles. Ainsi, ce noyau de fer, qui résiste lui aussi grâce à la pression de dégénérescence des électrons, s'effondre soudainement lorsque sa masse dépasse la masse de Chandrasekhar. Cet effondrement brise les noyaux, les électrons fusionnant alors avec les protons produits pour former des neutrons. S'il n'a pas une masse trop élevée et si l'effondrement n'a pas été trop violent, le plasma d'électrons, protons et neutrons ainsi produit peut résister à la force gravitationnelle grâce à la dégénérescence des nucléons mais aussi et surtout grâce à l'interaction forte qui est répulsive à courtes distances. Le noyau s'est alors stabilisé pour devenir une étoile à neutrons.
Cependant si le noyau de Fer56 a une masse supérieure à la limite d’Oppenheimer-Volkoff (située entre 2.4 et 3.2 masses solaires), rien ne peut compenser la force gravitationnelle et l’étoile s’effondre en-deçà de son rayon de Schwarzschild pour devenir un trou noir.
Les trous noirs stellaires sont donc formés par des étoiles de plus de 30 Masses solaires (environ), qui s’effondrent sur elles-même sans que rien ne puisse stopper le processus.
3°) Structure d'un trou noir
Un trou noir de Schwarzschild est, d’abord et avant tout, caractérisé par l'existence d'un Horizon : c’est la surface sphérique dont même la lumière ne peut sortir et en-deçà de laquelle même cette dernière est inexorablement entraînée vers la singularité centrale. En effet, même si l'existence de cette singularité (point où toutes les grandeurs physiques et géométriques locales divergent) traduit la nécessité d'avoir une théorie quantique de la gravitation pour décrire de manière complète et cohérente les trous noirs, le fait que l’Horizon sépare l'espace-temps en deux zones disjointes, aucune information ne pouvant nous parvenir de la deuxième, implique que tout ce que nous pouvons savoir d'un trou noir est "codé" dans la géométrie de l'Horizon.
Celui-ci a un rayon égal au rayon de Schwarzschild, dont, étonnament, la valeur peut-être "justifiée" même dans le cadre de la théorie newtonienne. En effet, pour un astre de masse m donnée, la vitesse de libération, vitesse radiale minimale que doit posséder un objet décollant depuis la surface pour pouvoir s'échapper à l'infini, vaut :
http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/images/image004.gifAinsi, comme Michell l'avait compris, si la vitesse d’évasion est supérieure à c (vitesse de la lumière), alors même la lumière ne peut s’échapper. D’où la "justification" newtonienne du rayon de Schwarzschild :
http://www.futura-sciences.com/comprendre/d/images/image006.gifLa description des trous noirs dans le cadre de la relativité générale est cependant bien plus complexe et inabordale ici. Toutefois, quelques résultats importants peuvent être cités. Ainsi, après Schwarzchild, d'autres physiciens ont cherché des solutions des équations d'Einstein et en ont découvert d'autres comportant des horizons et pouvant correspondre à des étoiles effondrées. Néanmoins, des théorèmes généraux ont montré qu'un trou noir est au plus caractérisé par trois paramètres : sa masse, sa charge électrique et son moment angulaire.
Les différents types de trous noirs sont donc nommés en fonction des personnes ayant découvert les différentes solutions qui leur correspondent, lesquelles sont uniques. On a :
* Les trous noirs de Schwarzschild, sphériques, sans rotation et non chargés ;
* Les trous noirs de Kerr, non sphériques, en rotation et non chargés ;
* Les trous noirs de Reissner-Nordström, sphériques, sans rotation, mais chargés ;
* Les trous noirs de Kerr-Newman, non sphériques, en rotation et chargés.
Il a cependant également été démontré que tout trou noir astrophysique chargé perdrait rapidement sa charge électrique, et les trous noirs astrophysiques sont donc très vraissemblablement des trous noirs de Kerr.
Par ailleurs, des études des propriétés quantiques des trous noirs, mais également des phénomènes astrophysiques dans lesquels ils peuvent naître, ont amené à classer les trous noirs en fonction de leur taille. On distingue :
* Les trous noirs primordiaux, objets théoriques de la taille d’une particule, supposés formés juste à l'époque où l'Univers était encore très dense et chaud. Leur existence a été proposée par Stephen Hawking, lequel a également démontré l'existence d'un rayonnement d'origine quantique issu des trous noirs ;
* Les trous noirs stellaires, d’une dizaine de masses solaires, dont la formation a déjà été décrite ;
* Les trous noirs supermassifs, de plusieurs centaines de millions de masses solaires, dont on suppose l’existence dans le centre de nombre de galaxies. Selon les plus récentes études, ces trous noirs seraient nés avant même les galaxies dont ils occupent le noyau.
Par ailleurs, certains trous noirs astrophysiques sont dit actifs car ils émettent de grandes quantités de rayonnement électromagnétique. Ce phénomène ne viole pas le principe selon lequel rien ne peut sortir de l'horizon, et résulte de la présence d’un disque formé de gaz et poussière en grande quantité autour du trou noir. Ce dernier absorde peu à peu le disque d’accrétion et c'est le rayonnement issu des particules accélérées au cours de leur chute qui nous parvient. Ainsi, de manière plus générale, les trous noirs étant invisibles, c'est l'interaction entre ceux-ci et leur environnement qui témoigne de leur existence.